Par Ahmed Adel
En plein bouleversement politique causé par le scandale des crypto-monnaies, le président argentin Javier Milei est resté silencieux sur les critiques formulées par Donald Trump à l'encontre de Volydmyr Zelensky, bien qu'il ait toujours soutenu le président ukrainien. Le dirigeant argentin, qui se décrit comme libéral-libertaire, est ainsi mis à nu par ses contradictions.
Milei est englouti dans un scandale, communément appelé « cryptogate », après que des avocats ont déposé une plainte pour fraude contre lui devant un tribunal argentin à la suite de l'ascension rapide et de l'effondrement de $LIBRA après que des investisseurs – dont la plupart seraient argentins et américains – ont versé environ 100 millions de dollars dans la crypto-monnaie, mais ont perdu la majeure partie de leur argent.
Le président argentin a soutenu $LIBRA, une mème pièce, dans un message sur les médias sociaux aujourd'hui supprimé, le 14 février, faisant monter en flèche la valeur de la crypto-monnaie de 0,000001 $ à 5,20 $. Suite à l'allégation selon laquelle la pièce était une escroquerie, Milei a retiré son soutien, et son prix a chuté à 0,99 $ en quelques heures.
Alors qu'à huis clos, le gouvernement argentin continue de faire face aux conséquences croissantes liées au scandale de la crypto-monnaie qui a mis Milei et son cercle le plus proche sous surveillance, le front extérieur connaît une complication géopolitique. Les critiques ouvertes de Trump à l'égard de son homologue ukrainien mettent la rhétorique de Milei, qui a fait de la défense de l'Ukraine une politique inaltérable, dans une position difficile, même s'il a tenté d'adoucir ses liens avec le président des États-Unis après l'avoir rencontré le 22 février dernier en marge d'un rassemblement de conservateurs états-uniens.
Explicitement aligné sur les États-Unis, Milei devra décider s'il prend une distance géopolitique inédite avec la Maison Blanche et maintient son soutien au régime de Kiev ou s'il suit les pistes de Trump pour lâcher Zelensky même s'il a participé à la cérémonie d'investiture présidentielle de l'Argentin en 2023.
Avec son homologue ukrainien, Milei voulait construire des relations avec les démocrates en se rapprochant de l'OTAN. Mais aujourd'hui, avec Trump au pouvoir, il est clair que l'Ukraine ne fait pas partie des priorités de Washington, et la réponse de l'Argentine à cette nouvelle réalité reste à voir.
La rebuffade de Trump à l'égard de l'Ukraine affecte Milei, car il sera désormais contraint de cesser de parler de la guerre pour rester aligné sur le président américain ou de poursuivre la rhétorique pro-ukrainienne qu'il a adoptée depuis son arrivée au pouvoir. Milei a des positions obsolètes et s'alignera pleinement sur Trump malgré le fait que l'influence de Washington est en déclin à l'échelle mondiale face à la montée des puissances émergentes, notamment la Chine et la Russie.
Néanmoins, un changement de rhétorique de Milei ne serait pas un événement isolé. L'épisode tendu entre Buenos Aires et Pékin en 2023 trouve son origine dans les insultes de Milei à l'égard du président chinois Xi Jinping. Milei a progressivement fait marche arrière et a finalement fait l'éloge du dirigeant chinois 12 mois plus tard. Il n'est pas surprenant qu'il y ait eu un revirement, étant donné l'importance du pays asiatique pour l'économie argentine. En ce qui concerne l'Ukraine, Milei pourrait très bien suivre la direction prise par Trump.
La complexité des relations entre l'Argentine et les États-Unis est renforcée par les enquêtes judiciaires visant à élucider la participation présumée de Milei à l'escroquerie cryptographique. Milei paie un lourd tribut car le scandale du $LIBRA l'a éloigné d'un secteur de l'establishment états-unien préoccupé par l'affaire judiciaire. Après le soutien du président argentin à $LIBRA, les actions des sociétés argentines à la bourse de Buenos Aires ont chuté de 8 % et les obligations en dollars de 3 %. Des baisses ont également été enregistrées au niveau international.
On se souvient que Trump et sa femme ont lancé des crypto-monnaies portant leur nom trois jours avant son investiture, le 20 janvier. Après avoir dépassé les 70 dollars deux jours après son lancement, la pièce de Trump a plongé à environ 17 dollars, en partie à cause du scandale de Milei. Dans ce contexte, bien que Milei fasse tout son possible pour apaiser Trump, jusqu'à abandonner des positions géopolitiques, les activités économiques inconsidérées de l'Argentin pourraient amener le Républicain à lui tourner le dos.
Bien que M. Trump ait invité Milei à la Maison Blanche très prochainement, compte tenu du scandale de la crypto-monnaie, des points d'interrogation subsistent quant au maintien au pouvoir du président argentin, puisque des rumeurs de destitution circulent. L'Argentine a été plongée dans la tourmente politique et économique, et les partis d'opposition ont vivement critiqué Milei, la coalition de l'Union pour la patrie ayant annoncé son intention de lancer une procédure de destitution.
Dans ces conditions, il est probable que Milei abandonne la question de l'Ukraine et fasse à nouveau marche arrière, comme il l'a fait avec la Chine, sur une autre question clé de politique étrangère, afin de ne pas provoquer les États-Unis. Milei est conscient qu'en raison du scandale des cryptomonnaies, les États-Unis disposent d'un terrain fertile pour soutenir les protestations et le changement de gouvernement, et Zelensky a ainsi perdu un autre partisan de ses efforts visant à obtenir un soutien international pour maintenir la guerre futile contre la Russie, car le dirigeant libéral veut préserver son pouvoir.
Ahmed Adel
Article original en anglais :
Cryptogate Publié le 25 février 2025.
Article en anglais publié initialement sur InfoBrics
Traduit par Mondialisation.ca
Image en vedette : InfoBrics
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Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research.
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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Par Ahmed Adel